La naissance de l'Eglise Saint-Matthieu

Le 21 novembre 1965, la première pierre de Saint Matthieu a été posée. Comment a été décidée, conçue et construite l'église Saint Matthieu ? le pasteur Ernest Mathis, premier pasteur de la paroisse, raconte.

Dans les années 50, au 2 rue du Conseil des Quinze, on était plutôt perçu comme une secte. La poignée d'hommes et de femmes qui s'y réunissait comprit vite qu'il lui fallait un lieu de culte, si l’Église en ce lieu voulait prendre son essor et s'ouvrir plus largement à son entourage. La décision du Directoire de l'ECAAL de combiner la création d'une nouvelle paroisse avec la construction d'un ensemble paroissial s'avérait concrètement comme légitime et opportune.

Quel nom donner à l'enfant ?

Soirée chargée d'émotion et d'affectivité de toutes sortes. Nous avons passé en revue les colonnes de l’Église, revu les thèmes fondamentaux de la foi. J'avais pensé personnellement au geste symbolique de l'apôtre André qui amena son frère Simon à Jésus. Mais l'assemblée déclina cette proposition et retint finalement le nom de l'évangéliste Matthieu.

Une Eglise pour notre temps

Donc pas nécessairement le reflet d'une conception esthétique et architecturale du passé, mais expression visible et réaliste de la diversité des rencontres et échanges qu'elle devait abriter. Ils sont 3000, les protestants répertoriés dans le quartier ? S'ils sont 5% à assister au culte dominical, cela nous donne un lieu de culte à prévoir pour 150 personnes tout au plus& un lieu qui devrait à la fois exprimer la convivialité et concentrer le regard sur l'autel et la chaire... Mais une église aussi pouvant s'ouvrir largement au tout venant. Nous avons ainsi mûri longuement tout un projet de construction. Nous avons organisé un concours d'architectes international avec mandat de répondre au mieux aux exigences du programme soumis. 25 projets, dont certains suisses et allemands, furent proposés au jury, composé principalement d'architectes hautement qualifiés, dont l'architecte en chef de la région Est de la France. Et le choix unanime !- tomba sur un projet suisse. « C'est celui qui répond le mieux à votre programme ! »m'expliquèrent les architectes.

Grosses frayeurs

Mais ce fut un architecte alsacien, Mr Willy Grossmann, qui fut chargé d'exécuter le projet. Nous avons dû nous y résoudre pour toutes sortes de difficultés administratives et financières. C'est le coeur gros et avec une angoisse grandissante que nous ouvrons les enveloppes de soumission des différents corps de métier. Lorsque les comptes font apparaître que l'apport de la paroisse dépassera de loin la moitié du coût total de l'opération, plusieurs se demandent si nous avons le droit de nous lancer dans une telle aventure. Le soir de la décision cruciale, notre trésorier un homme charmant et d'un grand dévouement- donne sa démission ; « En conscience, je ne peux pas prendre cette responsabilité ! » nous expliqua-t-il. « Jamais vous ne réussirez à rassembler tout cet argent ! »

Hommage au parrainage

Entre temps, des équipes volantes avaient commencé à sillonner les routes d'Alsace pour récolter des fonds. Nous avions imaginé et réalisé, avec l'aide et l'autorisation de la direction de notre Église, un système de parrainage pour les trois paroisses de cités alors en lice. Notre marraine fut l'inspection de Colmar, relayée plus tard par celle de Wissembourg. Ces équipes partaient en principe un dimanche par mois, assistaient au culte de la paroisse visitée, y collaboraient le plus souvent, et faisaient ensuite du porte à porte, deux par deux, pour récolter les dons que les paroissiens étaient censés avoir préparé à l'avance. J'avais au départ quelques hésitations à l'égard de ces collectes. Ne pouvaient elles pas être ressenties comme contraignantes, voire indiscrètes ? Et il y avait le danger de la lassitude des équipes. Ce fut une des plus belles expériences de ces débuts de Saint Matthieu, bien au-delà de la récolte sonnante et trébuchante. Rares furent les portes qui restèrent fermées, et les dons récoltés dépassaient toutes les espérances. Mais surtout, ces sorties créaient des liens solides entre les équipiers eux-mêmes, donnaient naissance à de réelles amitiés, souvent entre visiteurs et visités. Sans le chercher, ils ont récolté le beau fruit de leur disponibilité. Et notre certitude grandissait : l'église Saint Matthieu allait être construite !

Pose de la première pierre

C'était le 21 novembre 1965. La courte cérémonie se déroulait sur un terrain vague, réunissant autour de l'Inspecteur ecclésiastique Basset quelques officiels, dont tout de même un ministre, Mr André Bord, les membres du Conseil presbytéral et votre serviteur. Première pierre de valeur symbolique uniquement, puisqu'elle devait être intégrée ultérieurement dans le béton. Elle contient un rouleau de parchemin relatant dans le détail temps, lieu et circonstances précises de l'événement, texte qui se trouve dans les archives de Saint Matthieu.

Et l'église se mit à croître, l'église de béton et de pierres, et l’Église des pierres vivantes croissait simultanément avec elle.

Ernest Mathis